Christianisme au Japon - couverture

Christianisme au Japon : implantation difficile

LE CHRISTIANISME AU JAPON, UNE IMPLANTATION DIFFICILE

Cet article sur le christianisme au Japon a été établi et rédigé par les soins de Mikel Billoud, diplômé de Master en histoire médiévale.

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       Le christianisme (吉利支丹, kirishitan) se développe au Japon, sous l’autorité du célèbre missionnaire jésuite, d’origine espagnole, François Xavier (1506-1552), dès 1549.
       Si des constats élogieux sont faits à l’encontre de la population japonaise, leurs religions ne font pas l’unanimité. Les propos du père jésuite portugais Luís Fróis (1532-1597), en 1585, le prouvent :

« Nous demandons à un seul Dieu tout puissant les bienfaits de cette vie et de l’autre ; les Japonais demandent aux camis [“Kami” 神] les biens temporels et aux fotoqes [“Hotoke” 仏, signifiant “Bouddha”] le seul salut de leur âme. » (p. 45)

       François Xavier considère les Japonais avec probablement plus d’égards, mettant en exergue leur courtoisie, politesse, curiosité et humilité. Il ne s’abstient pas de critiquer les prêtres bouddhistes, en affirmant qu’ils n’agissent pas toujours sous le joug de la raison à la différence de la population japonaise.

       Il est plus simple d’affirmer la supériorité de sa religion si l’on dénigre les pratiques de l’autre.

Christianisme au Japon - Domi tableau

Panneau attribué à Kano Domi, Barbares des mers du Sud, art Nanban, 1593-1600, Museu Nacional de Arte Antiga, Lisbonne.

       Le royaume du Portugal jouissait de la charge de patronner les nouveaux mondes depuis l’explorateur Henri le Navigateur (1394-1460), par le biais de l’autorité du pape Martin V (r.1417-1431). Le royaume d’Espagne ne bénéficiera de ce même privilège qu’en mai 1493. Voici pourquoi les premiers rapports avec les européens, connus du Japon, sont avec les portugais et les espagnols.

       Si le Japon, et la Chine dans une moindre mesure, ont bénéficié de l’intérêt de François Xavier, c’est en l’occurrence à cause du mythe de l’apôtre Thomas qui aurait évangélisé la Chine. Il imaginait donc y retrouver une confession similaire à la sienne en Asie du Sud-Est.

       En 1551, François Xavier affirme avoir réussi à convertir 500 personnes dans la préfecture de Yamaguchi. Notre missionnaire bénéficiait d’un monastère offert par le daimyo Ōuchi Yoshitaka (1507-1551), afin d’organiser des prédications ou répondre à des interrogations.

       Plusieurs thèmes sont débattus, comme le concept de création et d’un Créateur, ou bien l’enfer et son interprétation.

       Le christianisme se développe plutôt au sud du Japon. Les portugais s’attèlent aussi à la prédication. Luís Fróis explique qu’à Kyôto, en 1560, les Japonais étaient très nombreux à suivre la récitation continue

Christianisme au Japon - martyrs nagasaki

Monument aux « martyrs » chrétiens de Nagasaki.

       Cette longue introduction était nécessaire pour comprendre depuis quand, et sous l’impulsion de qui, le Japon eut accès au christianisme. Il nous faut désormais pénétrer dans le devenir de cette confession, au Japon, avec les vicissitudes qui purent émerger.

       Comme nous l’avons rencontré dans notre article sur le bouddhisme et le shintoïsme, le Japon était en proie à une longue guerre civile (1467-1573). Les troubles militaires se sont répercutés sur les établissements et groupes religieux, amenant plusieurs insurrections.

       Nous avons, entre autres, le célèbre cas des Ikkō-ikki (一向一揆), partisans de la doctrine de l’école Véritable de la Terre Pure (浄土真宗, Jōdo-Shinshū) dans la province de Mikawa, matés par Tokugawa Ieyasu (1543-1616) en 1564.

       Le daimyo Toyotomi Hideyoshi (1537-1598), ayant repris en main l’unification du pays, décide d’affermir son pouvoir en marquant sa domination sur les seigneurs japonais, et très probablement les missionnaires jésuites au Japon.

       L’édit daté de 1587 vise à interdire, puis à expulser les missions chrétiennes.

       Hideyoshi voulait expulser les missionnaires mais pas les marchands européens. Voici un extrait d’une lettre, que j’ai adapté, à destination du Révérend Père :

« Vôtre Paternité aura entendu quel est l’état de l’Eglise au Japon et le devoir que, par la grâce de Dieu, nous y avons fait depuis l’an 1587, jusqu’en l’an 1588. Nonobstant, les empêchements que Cabacondono [Toyotomi Hideyoshi] a voulu nous infliger, par une vague de persécutions et de cruautés [à notre encontre], par sa souveraine puissance, et qu’il fit abattre sur nos épaules. Ce tyran, pour éteindre la Religion Chrétienne en ces quartiers [son territoire], fit proclamer un édit en tous [ses ?] royaumes ; par lequel il nous demande de vider et sortir totalement du Japon, de telle sorte et manière que nous l’avons écrit ici. » (p.7-8).

       Malgré la proclamation de cet édit, il n’y pas eu de réelles applications comme l’a évoqué Nathalie Kouamé. Elle met en avant les incohérences de ce premier édit, qui n’aurait eu, finalement, qu’une portée symbolique.

Christianisme au Japon - Grand martyr

Anonyme, Grand martyre de Nagasaki, 1622 Patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Rome.

       Le second édit de 1597 est, quant à lui, plus “radical” puisqu’il emmène le crucifiement de 26 personnes, à savoir des missionnaires jésuites et franciscains, entre autres, à Nagasaki.

       Malgré ce bilan, et selon un rapport de l’évêque de Nagasaki Luis de Cerqueira (1551-1614) en 1602, il y avait 300 000 convertis au Japon.

       Alessandro Valignano (1539-1606) reçut une autorisation de Tokugawa Ieyasu, en 1599, pour prêcher à Edo (江戸), la future capitale du shogunat Tokugawa (徳川幕府, Tokugawa Bakufu).

       La toute fin du XVIe siècle emmène donc des premières vagues de violences, même si elles sont minimes par rapport au gain d’influence des missions chrétiennes. Le XVIIe siècle en est tout autre puisqu’en 1614, le bakufu décrète un édit d’expulsion aboutissant à de nombreuses arrestations. L’argumentaire n’est pas des moindres, les prêtres sont accusés de vouloir conquérir le Japon avec leur confession.

       En décembre 1623, une cinquantaine de chrétiens et laïcs sont mis à mort à Edo. Martin Nogueira Ramos explique qu’il s’agit d’un moyen du shogun pour inciter les daimyo à mettre en pratique le nouveau décret.

       A Nagasaki, beaucoup de tortures sont exercées afin d’amener à l’abjuration les convertis à partir de juin 1626. La dénonciation sera mise en place afin de débusquer les fidèles ou les prêtres. Les temples sont aussi déployés dans ces répressions. Les “temple-paroisses” (檀 那寺, danna dera) devront s’assurer qu’un chef de famille ne suit pas un dogme interdit (comme le christianisme).

       Des « registres de conversions » virent le jour dès 1634, dans cette même démarche d’éradication du christianisme

Christianisme au Japon - édit

Édit d’interdiction du christianisme promulgué par Toyotomi Hideyoshi en 1587. Document publié au musée historique de Matsuura à Hirado (préfecture de Nagasaki).

       Les manifestations religieuses devinrent privées. Certains seigneurs, toutefois, limitent la mise en application de l’édit de 1614 dans leur fief ; exemple du fief de Sendai (actuelle capitale de la préfecture de Miyagi), administré par Date Masamune (1567-1636).

       Les pratiquants de toutes extractions cachent leur appartenance au christianisme, en dissimulant des images dans des oreillers ou dans leur wakizashi. Certains intègrent aussi des croix dans les sépultures de chrétiens, en faisant fi du contrôle de l’autorité en place.

       La révolte de Shimabara-Amakusa de novembre 1637 est la plus grande insurrection chrétienne de ce siècle. Elle naît de la volonté de retourner à la pratique publique des célébrations. De multiples paysans, de plusieurs villages, se mobilisent afin de soutenir les révoltés chrétiens.

       Un certain silence est observé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en lien avec la fermeture des frontières entre 1643 et 1853. Ces groupes chrétiens celés existent toujours, au moins durant la seconde moitié du XIXe siècle, comme le montre Martin Nogueira Ramos dans le cas de la région de Sotome-Urakami.

       Après la réouverture des frontières, des lieux de prière clandestins à Urakami sont observés à partir de 1866. Lors de la Restauration de l’empereur Meiji (1852-1912), en 1868, le Japon s’en retourne au shintoïsme comme confession d’Etat. La lutte anti-chrétienne était donc investie d’un nationalisme ascendant, message fort envers les puissances occidentales.

       Le pape Léon XIII (r. 1878-1903) adresse un message à l’empereur en 1885. Ce message est reçu avec sympathie et bienveillance. L’année suivante, les étrangers peuvent circuler librement dans le territoire.

       En 1896, le christianisme est enfin reconnu comme religion à part entière.

       L’année 1941 marque l’admission légale de l’Eglise catholique. En 1967, le Japon dénombre pas moins de 636 123 japonais convertis au christianisme sur son territoire.

Christianisme au Japon - église

Vue de l’ancienne église des Vingt-six Martyrs de Nagasaki, vers 1885, In : Les missions d’Extrême-Orient, Tours, Mame éditions, 1900.

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OUVRAGES GÉNÉRAUX

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